C’est un restaurant. L’enseigne dit bistrot mais c’est un restaurant, marin si l’on veut, en tous cas bien au sec dans ce quartier Belle Époque dit le «Carré d’Or». Et si des clients prennent la rue Grimaldi pour une destination comptoirs un peu agitée, c’est qu’il y a maldonne. Trente mètres d’un même trottoir y séparent l’ex Mon Petit Café, rebaptisé Bistrot Marin, de Séjour Café, tables d’atmosphère intimistes et stylées que conduisent Renaud et Marilène Geille et leurs enfants, Marina et Robin.
Sur cette langue de terre, Nicolas Mendjiski, le chef de Séjour, assure depuis bientôt dix ans une gastronomie droite et méditerranéenne. Il est l’ancre et la continuité. Et puis il y a du nouveau à la «table d’à côté». Soukaïna, née à Tunis, prénom chantant et joli sourire, apporte au Bistrot Marin sa jeune expérience, passée au Grand Hôtel du Cap-Ferrat, au temps de Didier Aniès, puis à l’African Queen que Gilbert Vissian vient de céder sur le port de Beaulieu. Un palace emblématique de la Riviera et une chic brasserie au long cours, pas mal pour une entrée en scène. «C’est une bonne petite !» disait Aniès le gascon, évoquant son énergie au travail et son envie de découvrir.
Bien dit et vu et approuvé en ce début d’année, rue Grimaldi. Moules farcies «Espagne» (peut-être de Galice?) traitées en douceur et ravioles de gamberoni du golfe de Gênes voisinent à l’ardoise, parmi six entrées, avec une tarte fine pomme et boudin noir et une soupe d’étrilles, comme les coquilles Saint-Jacques «à la Bretonne» (la recette d’antan allégée) et une daurade façon bouillabaisse avec un plat de linguine et homard frais ou la joue de bœuf Black Angus et polenta. Ne pensez pas trouver une cuisine en mal de paradis. Elle est bien campée, pleine d’allant jusqu’au dessert (le millefeuille, le soufflé au citron) et souhaite juste que vous gardiez le souvenir d’un bon produit, d’une bonne cuisson, d’un bon assaisonnement.
Les habitués félicitent parfois «Miss Soukaïna» pour sa maîtrise. C’est un peu cavalier mais dit avec bienveillance. Dans le décor au bleu vénitien, peuplé de photos noir et blanc, beaux livres, maquettes de voiliers et vases de Murano, la clientèle sait se tenir et se sait à bon port, protégée de la bistronomie en vogue et de l’abordage des vins nature. Séjour ou Bistrot sont plutôt Loire (Sancerre «Chavignol» de Gérard Boulay ou Bourgogne de belle facture (Pouilly Fumé «Silex» de chez Dagueneau), avec, en «vin de Nice», le Clos Saint Vincent, ce grand Bellet.
Et puis on reste en famille – Robin, à la barre du Bistrot, Marina à Séjour – accueillis comme il convient dans ce décor voyageur, avec simplicité et attention. Que je sache, pas de «çà a été?» comme il s’en expédie par dessus tant de tables. Enfin, nota bene, le restaurant est ouvert dimanche et lundi, jours de repos bien mérités et de quêtes éperdues de bonnes adresses. Bistrot Malin !
Bistrot Marin, 11 bis rue Grimaldi. Tel. 04 97 20 55 36. Env. 50/65 €. Fermé mardi et mercredi.