C’est la nouvelle table gastronomique dont on parle à Nice. Intimiste et moderne, elle s’est glissée dans le quartier des antiquaires, face au Village Ségurane, à deux pas du port Lympia. Onice comme la traduction italienne d’onyx, la pierre précieuse qui protège et donne une énergie positive. Une pépite pour les amateurs de «cuisine du produit» qui ont désormais la rue Auguste Gautier sur leurs carnets de découvertes.
Un indic de confiance, qui ressemble fort à Gaël Tourteaux, de Flaveur (seul 2 étoiles de Nice), m’avait dit le plus grand bien de cette adresse discrète. Quel bon conseil ! Onice ne brille pas à la case bistronomie et vise une plus haute marche. Florencia Montes et Lorenzo Ragni font irruption sur la scène niçoise en chercheurs de saveurs qui ont bien voyagé et bien appris, leur enthousiasme fait plaisir à voir, et leur cuisine inspirée aux meilleures sources, est prête pour une belle aventure… C’est mon coup de cœur de ce début d’été.
Florencia est argentine, elle a fait ses classes à Chila, grande table du port de Buenos Aires, est passée par Eleven Madison Park, 3 étoiles de New York, le Faäviken de Magnus Nilsson, 2 macarons en Suède et surtout le Mirazur de Mauro Colagreco à Menton -3 étoiles et meilleur restaurant du monde 2019 – dont elle deviendra cheffe exécutive.
Natif de la région de Pérouse (Ombrie), Lorenzo s’est formé dans la pizzeria familiale avant de rejoindre L’Osteria LeLogge (Sienne), le Ledbury(Londres), Piazza Duomo d’Enrico Crippa, le 3 étoiles d’Alba (Piémont), enfin le Mirazur où il rencontre Florencia. Ouvrir un restaurant est un sacré engagement et celui de Florencia et Lorenzo est total. Ils ont appris le calendrier lunaire de Mauro Colagreco, le végétal extraordinaire d’Enrico Crippa et les voici à leur compte, tout à leur passion, assumant le choix, exaltant et courageux, de la gastronomie.
J’ai aimé l’approche, végétale et marine, de leurs grignotages : chips aux algues et mayonnaise des œufs de poisson ; tartelette aux haricots, crème de comté et fleurs de sureau ; la courgette, sauce brusco et furikake, condiment japonais où croisent sésame et varech…
Et puis l’inoui iodé des gamberoni du golfe de San Remo associant cerises, gelée de tomate, basilic violet et un délicat consommé de têtes servi dans la carapace, qu’on mange bien sûr avec les doigts. Les tagliolini, sauce au poivron et pimenton argentin, fromage de chèvre et câpres, font une pasta percutante, le pagre, carotte, curcuma, fèves, pourpier et tartare de carotte est d’une infinie douceur. Chaque plat, concis, tout à la finesse de ses accords, sauces, jus et cuissons, raconte une gastronomie d’aujourd’hui, centrée sur le produit, ses acteurs et son environnement (1).
Créatif et gourmand jusqu’aux dernières notes – épatant granité concombre, fraises de bois, spina de yaourt et citron vert, et une panna cotta de collection associant pêche, amandes fraîches, amandes amères et glace à la lavande – Onice, décor minimal et lumineux, cuisine au comptoir, murs nus et tables de bois blond, fonctionne au sentiment, au goût net, à l’épure.
Reste le pari, qui n’est pas nouveau, de l’absence de menu écrit, compensée par l’annonce faite à la table. D’ordinaire, les cartes muettes me laissent plutôt de marbre, je crains le diktat du chef, l’impasse du plaisir, voire la prise d’otage, en attendant l’intervention de l’armée… mais cette cuisine au cordeau qui ne se disperse pas aux quatre vents, valide le choix de Florencia et Lorenzo. Onice est leur adresse précieuse, cultivée plus qu’élitiste, à découvrir pour la quête du goût, l’élan créatif à quatre mains, l’accueil chaleureux, le service bon conseilleur. Elle rejoint ainsi le camp d’une génération de restaurateurs qui témoignent de la diversité culinaire de Nice et lui apportent une énergie nouvelle. Une clientèle avisée et qui a quelques moyens est déjà venue sonder le cœur et les espérances de cette table attachante, assurément étoilable. C’est un début prometteur mais n’attendez pas la fin de l’été pour lui emboîter le pas !
(1) James et Romain (Mare Nostrum) pour le poisson, Giuseppe di Gerlando pour les gamberoni du golfe de San Remo, légumes et fruits de la Ferme Lavancia (Puget-Théniers), Sandrine Mezzanotti (Marché de la Libération), Luciano ou Estelle (Marché Saleya), fromages de Thomas Métin, l’un des grands du métier (à Nice et Vence), pains de Jean-Marc Bordonnat etc…
Onice, 5 rue Antoine Gautier, Nice . Tel. 04 93 56 18 30. Menus 60 € à déjeuner vendredi, samedi et dimanche. Menu découverte 90 € (5 plats) tlj et menu Onice, 120 € (7 plats) tlj au dîner. Ouvert à dîner mercredi, jeudi, et à déj. et dîner de vendredi à dimanche. 2e salle en sous-sol. Fermé lundi, mardi.