Salette est l’une des nouvelles tables de l’année 2024 à Nice. Une arrivée discrète en cours de printemps, devinez où… rue Bonaparte, l’axe le plus bistronomique de la ville, mais pas «toute» la rue Bonaparte. C’est face aux Agitateurs, la belle table étoilée de Juliette Busetto et Samuel Victori et non loin de Pirouette, leur deuxième adresse intimiste, qu’Émilien Catherinet en cuisine et Léo Hubert Meynier à l’accueil, se sont installés. Excellent voisinage à condition de ne pas se risquer sur le même terrain ! Les deux associés ont bien compris que la gastronomie étant entre des mains sûres il fallait trouver un angle nouveau. Celui-ci par exemple : une cuisine simple, goûteuse et généreuse. Facile à dire, plus ardu à réussir tant la promesse s’évanouit souvent, à peine invoquée. Salette (exclamation joyeuse en provençal) en fait sa devise et tient bon.
Message reçu à déjeuner, mi-décembre, dès la première impression : la devanture vitrée, légère, bistrot mais pas trop, couleur vert tendre et enseigne «froggy». L’intérieur à l’identique, nuances de vert, banquettes, miroirs et toujours les chaises bistrot. On ne doit pas être dupe d’un décor, aussi amical soit-il, mais celui-ci ne vous fait pas le coup du design ou de l’épure. On ne sait dans quelle case le ranger. Bistronomique si vous insistez, disons d’une bienveillance gourmande qui ouvre l’appétit.
Mathieu, le frère d’Émilien, apporte la carte. 4 entrées, 4 plats, 4 desserts pour 25 couverts. Aucun intitulé mystère, le produit à façon, la maîtrise sans étalage. Les panisses au parmesan, sauce daube, étaient souples, dorées, d’un léger croquant. J’ai parié sur le foie gras de canard aux épices, chutney d’ananas et pain toasté, une tendresse en direct de la familiale Table de Solange, en Aveyron (à Cassagnes-Bégonhès, c’est dire!), murmurant «à la prochaine !» au velouté de courge butternut et poêlée de chorizo.
Oubliant toute raison et les noix de Saint-Jacques rôties, mousseline de panais, sauce champagne, j’ai craqué pour un plat de côte de cochon Duroc confit aux épices, jus de braisage, airelles en pickles et embeurrée de chou rouge. Pas vraiment la taille ballerine mais c’était mon jour de bienfaisance et ce brin de graisse antique, tendre et juteux, l’emportait sur la tentation du risotto de petit épeautre au Vieux Rodez d’Aveyron (encore), citrons confits et herbes fraîches.
Enfin il était l’heure d’un tiramisu fort peu piémontais, aux marrons glacés, taille familiale et copain de dessert d’une crème brûlée à la verveine. Ainsi décrit, on imagine peut-être un traquenard aubergiste (et aveyronnais) mais il n’en est rien. L’assiette est plutôt «tradi» mais sacrément sur le goût, la rondeur, le bien-être. Si c’était une peinture, on dirait du figuratif. La carte des vins (à partir de 23 €) est courte, éclectique (Bourgogne, Côtes du Rhone, Corse, Costières de Nîmes, Côtes de Provence, Bellet du Clos Saint-Vincent…), sans diktat de cuvées nature.
La vérité est dans le savoir-faire d’Émilien, cuisinier de bon sens. A 32 ans, ce niçois souriant ne vit pas de souvenirs. Il pourrait fanfaronner, fort de son compagnonnage aux côtés de Jean-Denis Rieubland alors chef du Chantecler, la table étoilée du Negresco, qu’il suivit au Royal Champagne près d’Epernay, puis de son passage à l’Hôtel de Paris Saint-Tropez ou encore sur l’île de Fyn dans le Danemark des contes et légendes de Hans Christian Andersen. Riche de ces expériences, il cuisine avec assurance et sans exclusivité de terroir. Chaque restaurant a son atmosphère, son style, sa ligne de conduite et on dit qu’il doit »raconter une histoire» même si certains n’ont rien à dire ou si peu. Salette, bistrot gourmand et généreux, ne triche pas et on a envie de connaître la suite. Jolie brise de Nice !
Salette, 35 rue Bonaparte, Nice. Tel. 06 14 85 59 82. instagram.com/salette.nice
Carte env. 45/55 €. Plat du jour 15,50 €, 19 € avec verre de vin. Fermé dimanche, lundi.