Il y a dix ans, Elise et Mickaël Gracieux ouvraient leur restaurant dans le quartier Lépante-Foch. Le langage de la gastronomie y était peu parlé mais ils crurent que le talent et l’étoile rapidement obtenue aboliraient les frontières. Pas vraiment. Un noyau de fidèles fréquentait L’Aromate quand Nice ignorait la cuisine précise et les alliances légères de cet ancien de Robuchon, Ducasse ou Charial.
Aujourd’hui, une nouvelle vie commence pour cet irréductible de talent qui croit toujours en son étoile (1), moins dans la ponctualité des cuisinistes. A deux pas de la place Masséna, L’Aromate, an II, ouvert avec six mois de retard – le jour de la Saint-Valentin – quel éclat ! La pièce en marbre veiné du Brésil qui porte la vitre panoramique reliant salle et cuisine est une œuvre d’art. Les parois aux motifs de tommettes et palmiers stylisés, les jeux de lumière, l’art de la table… ces habits neufs sont d’un salon spacieux et contemporain.
Rigueur, saison, produit, arrivages, j’aime cette gastronomie exigeante d’esprit et de méthode. Les fans adorent le tourteau «sentimental» («le plat de mon père !»), inamovible, servi en fine gelée d’étrilles au gingembre, émulsion de fenouil et coriandre fraîche. Début mars, ce «fou de cuisine» cherchait ses marques – et un second ! – mais on reconnaissait son style de velours, sans dinguerie de recherche ou modernisme aggravé.
Le velouté de petits pois et royale de foie gras de Chalosse, pain à la fleur de sel, les ravioles de pomme de terre, jus de palourdes au vert et perles de hareng fumé, le bar de ligne cuit aux feuilles de citronnier, sabayon soufflé poivre-lime, brocoletti et pousses de blettes, le suave pigeon en cocotte lutée à la sarriette, saupoudré de noisette du Piémont, raviole de champignon, jus ail-verde… les plats coulissaient en finesse, le tube craquant, crémeux citron-orange et sorbet mandarine et le millefeuille aux pommes Chanteclerc, crème glacée mascarpone, velouté de caramel étaient de même sérénité. Belle ouvrage !
Elise prête la main en cuisine, accueille, veille à tout, jusqu’au pain quotidien (toujours excellent boulanger, Mr Jean-Marc Bordonnat !), conseille de jolis vins (connaissez-vous le Bellet 100 % folle noire de Vincent Dauby au Domaine de Vinceline ?) et détaille avec ferveur cet artisanat «à la minute». Bonne table de la Côte, c’est sûr, touchante, sans compromis, L’Aromate était donc l’étoilé «oublié» de Nice ? Alors, vive sa renaissance !
(1) L’Aromate est, avec “Jan”, l’un des deux étoilés Michelin de Nice.
Infos pratiques
- Adresse : L'Aromate, 2 rue Gustave Deloye, 06000 Nice
- Tél : 04 93 62 88 24
- Site : www.laromate.fr
- Menu : Menus 75 et 100 € (6 plats)
- Fermeture : Ouv. le soir seul. Ferm. dim. et lun.