Opio. Caffé César, côté bistrot, L’Initial, côté gastro: une même réussite

Thierry Molinengo, ancien de Guy Martin au Grand Véfour, s’est installé au pied du village avec, à ses côtés, Frédéric Bogé. Carte terroir ou menus de gastronomie, du sérieux, du talent, une vraie cuisine du produit. Coup de coeur à Opio !

L’Opio nouveau s’aménage au pied de la colline où l’ancien veille sur son coin de Provence. Béton et couleurs, lignes claires, quartier neuf. Pour lui donner plus de vie encore, rien de tel qu’une table éclairée. Né à Châteauneuf de Grasse, Thierry Molinengo est du pays, son nom le chante, sa cuisine honore son terroir. Longtemps bras droit de Guy Martin au Grand Véfour, passé au Manoir aux Quat’ Saisons (Oxford), au Stars Restaurant (San Francisco) et au Cristal Room Baccarat (Paris), il a quitté la piste aux étoiles et revient au bercail.

Le décor est de son temps, matière brute, lumière et cuisine à vue, splendide dans sa modernité noire. Au Caffé César, à l’ample terrasse, il faut découvrir la carte, avec beignets de courgettes au vinaigre de moût du Rouret et poulpe de roche, paleron de bœuf façon daube et aubergines pays, longe de cochon au miel de Caussols, pleurotes et cébettes rôties et un baba épatant d’allégresse. Cà vibre gourmand, précis, sans passéisme, servi avec simplicité par Cathy Molinengo et Guillaume Jeannes, lui aussi ex du Grand Véfour.

La gastronomie se joue à L’Initial, près de la cuisine, sur la table d’hôtes en orme – une pièce d’art – et seulement sur réservation. Peu après l’ouverture, j’ai goûté cette version «privilège» et j’ai aimé cet Opio revu et cuisiné avec sensibilité et précision par Thierry Molinengo et Frédéric Bogé, l’associé-complice, ancien notamment de Serge Gouloumès au Mas Candille et d’Alain Llorca.

Fraîcheur carottes-gingembre et fleur de pissenlit en tempura, en guise d’amuse-bouche, bouillon de pastèque et pêche à la verveine, guimauve de chèvre du Bois d’Amont, filet d’agneau en croûte d’ail noir et courgette du pays, enfin cerise au parfum d’orgeat et cardamome, glace bio à la fleur d’oranger… il y a le style, le sens du produit (1), l’esprit artisan. Belle entame d’une table qui va compter dans le paysage gourmand de la Côte d’Azur ! 

Une clientèle Paris-Côte d’Azur postée dans les proches résidences a retrouvé la piste de ce chef qui joint le geste à l’émotion au point d’avoir écrit au fronton de sa cuisine «Je ne sers pas un menu, je sers mon âme». Diable ! Les citations où l’âme est en jeu se comptent en volumes et il faut avoir la main sûre et les idées claires pour se livrer ainsi. On lit et on approuve car c’est le cas à cette table de passion et d’expérience qui est sans doute la révélation de l’été.

(1) Lire «Workshop, la cuisine pas à pas», 130 recettes, 115 produits et 220 fiches techniques, cinquième ouvrage de Thierry Molinengo après ses Workshops viandes, poissons, fruits, légumes (Ed. de la Martinière).