Dans la collection des villages perchés des Alpes-Maritimes, Peillon ne craint personne. Voûtes et calades, humeur médiévale, église au baroque rustique, fresques de Canavesio… il ne manque plus que le chant des raviolis, le soir au fond des ruelles… Mais cela, c’est pour le bataillon des villages du haut-pays, à l’heure des pâtes-daubes-gratins de fin de semaine.
On n’apprendra pas aux niçois où est Peillon, encore moins aux «étrangers», vifs de la fourchette et curieux de toutes tables. Ils connaissent l’«Auberge de la Madone» (on y reviendra dans une prochaine chronique), fondée par Raymond et Aimée Millo, mais savent-ils où est «Les Plaisirs» ?
On gravit quelques marches au premier rempart du village et à un détour, fleurs, légumes, bouteilles, casseroles, jarres… sont autant de signes de piste. C’est l’instant des ardoises émouvantes («Maison de Catherine Sauvage, Pierre et Claude Brasseur de 1961 à 1980») ou gourmandes comme celle de Romain Clavel-Millo, chef-propriétaire depuis 2010 («Je cuisine avec des produits frais des maraîchers locaux ou du jardin»).
Tous ses plats sont mijotés et préparés en solo dans un espace de poche à mi-escaliers, avant d’être servis dans deux salles adorables avec vue sur la vallée.
Bandana de pirate et tablier noir, formé à l’école Vatel (Nîmes), passé à l’Hôtel Hermitage à Monaco et au Mandarin Oriental Londres, Romain a la fibre de l’autodidacte, il fait ses levains lui-même, prépare sa pizzetta et sa pissaladière et on se régale de son pain grillé et pancetta.
Ni cuisine chercheuse, ni terroir maniaque, juste le vrai goût des choses. Vous grimpez dans un petit train de montagne chargé de vivres, croustillant au chèvre et polenta au citron, soyeux risotto d’épeautre, artichauts et encornets, suprême de pintade rôti au four, tarte aux pommes, mousse au chocolat…
Cette simplicité, comme le rapport prix-plaisir, a convaincu le guide Michelin et Bibendum, gonflé, a avalé les lacets qui mènent à Peillon et les marches qui escaladent le village. Il a aimé la bouillabaisse en gelée, le calisson de rouget à l’aubergine et tomate confite, les variations autour du citron et sorbets aux agrumes, apportés par Marie-José, la maman attendrie de Romain, qui sert le vin «maison» (côtes de provence Château du Rouët) ou un joli Languedoc de Laurent Bagnol («Mas Lau», cuvée Melina).
Dans ce conte, aucune citrouille ne se transforme en carrosse mais comme tout restaurant a une histoire, on peut dire que Les Plaisirs est sacrément romanesque. Plus encore lorsqu’on sait que Romain est le petit-fils de Bernard Clavel, écrivain du terroir, au sens le plus large, de l’aventure et des grands espaces (1). Sa cuisine est ainsi son écriture, personnelle, émouvante et légère. Dommage qu’on ne puisse la savourer qu’au déjeuner. Mais au coeur de Peillon, dans cette maison riche de tant de souvenirs, midi est bien l’heure des petits bonheurs.
(1) Malataverne, Les Fruits de l’hiver (Prix Goncourt 1968), Marie Bon pain, Harricana, Les Petits bonheurs, L’Or de la terre, Amarok…
Infos pratiques
- Adresse : 2 Calada Dau Gourguet, 06440 Peillon
- Tél : 04 93 87 06 01 et 06 14 16 70 84
- Site : www.facebook.com/LesPlaisirsPeillon/
- Menu : Menus 22 et 32 €.
- Fermeture : Ouv. à déjeuner seulement. Fermé mercredi