Si Pure & V était un polar, l’énigme ne serait pas l’enseigne – Pure comme pureté, V comme Vanessa ou comme vins (nature) – car Nice de la bistronomie a de l’imagination à revendre (Lavomatic, Goupil, Chabrol, Les Agitateurs, By PM…).
Ni le lieu, à l’ouest, loin de l’épicentre entre Port et Vieux Nice, car on file souvent à bride abattue vers adresses bien plus égarées. Le décor ? Le dépouillé est copain des tables nouvelles et convient à celle-ci, née en mai 2018 : baies vitrées (une ex épicerie), six tables rondes de bois clair, espacées, sans nappes et, partout, la compagnie des vins.
En cuisine, l’école scandinave avec Mathias Silberbauer, ex Relae à Copenhague, est ardente rigueur du produit, jeu d’associations et proche terroir. La Méditerranée revue sous l’angle nordique, après tout rien d’étonnant depuis qu’existe le stockfish.
Mon premier menu était de cette exigence venue d’ailleurs. Tempura de potimaron sauce tartare en amuse-bouche, tendre calamar cuit dans un beurre noisette, sésame et citron vert, sucrine rôtie, noisette grillée et huile de parmesan, puis un loup, impérial de douceur, céleri rave et graine de tournesol, sauce verveine, pépite pêchée par Tony Djian, à Nice, enfin une glace au beurre fumé, orange et crumble salé, gourmande, légère.
Parfait, avec, en fraîcheur, un Love and Pif 2015, aligoté minéral de Yann Durieux, pure valeur de Bourgogne, enfin un cidre bon, bio, breton de Marc Abel (Hoops, La Cidrerie du Golfe). Car l’autre point fort est le jeu de quilles. Quel vin, quel style, quel vigneron… Vanessa Massé, passée notamment par le mythique In De Wulf, en Belgique, vibre, collectionne et plaide avec flamme pour les vins nature, dont ceux du pionnier jurassien Pierre Overnoy, à Pupillin, près d’Arbois. Julien Courtois, Jean-Pierre Robinot (Loire), Pierre Beauger (Auvergne), Daniel Sage (Ardèche), Emmanuel Lassaigne (Champagne)… comme celle de Sébastien Perinetti, au Canon, voila la cave ultra personnelle d’un fort tempérament forgé au plus près des vignobles mais peu sensible à l’or et la cote médiatique des domaines. Là encore, la recherche du produit avec passion et méthode et un credo vigneron plus à l’oral qu’à l’écrit (oubliez la carte !).
Mais alors quelle est l’énigme ? Cette table méconnue et intègre joue avec nos nerfs et peut-être avec les siens. Fin connaisseur, l’ami Thibault Danancher lui a consacré deux chroniques dans Le Point (“Phénoménal !”) et le Fooding un joli papier tout aussi épris. D’accord pour le bistrot inspiré mais avec cette réserve : çà peut gémir à l’instant de l’addition, “nature” elle aussi. 55 € (1 entrée, 2 plats, 1 dessert), 75 pour sept petits plats, 95 pour huit et des accords mets-vins de 45 à 85 €, l’amateur ne calcule pas son plaisir mais certains trouveront la quête du Graal un peu osée dans cet environnement bistrot.
Il faudra plus d’un avocat pour plaider l’innocence du rapport prix-plaisir mais après un menu d’émotion en guise d’approche, j’ajoute : Pure & V bien sûr ! A découvrir et à aimer, mais sans se pâmer, pour la cuisine d’auteur de Mathias le Viking, sa quête du produit et des meilleurs accords, et pour la palette singulière et volubile de Vanessa. En se souvenant que la moindre bistronomie urbaine frôle vite les 50 € auxquels, souvent, on ne trouve rien à redire.
Infos pratiques
- Adresse : Restaurant Pure & V, 15 rue Bottero 06000 Nice
- Tél : 06 19 88 68 90
- Site : www.facebook.com/restaurantpurev/
- Menu : Menus 40 € à midi, 55, 75 et 95 €, accords mets-vins 45 à 85 €
- Fermeture : Fermé lundi, mardi