La Bastide des Magnans fête ses vingt ans… et cinq ans hors du guide rouge. Une absence peu compréhensible, voire injuste. Qu’importe, l’exclu se porte bien !
Un naufragé du Michelin n’est pas un restaurant en rupture d’étoile, donc accessible à une nouvelle chance, mais il est tombé un jour du guide et n’y est pas remonté. Passé par dessus le bastingage, perdu corps et biens, atteint mais pas coulé ? Tout dépend sa force de résistance. Alors j’ai voulu retrouver un de ces oubliés pour savoir s’il y avait une vie et laquelle, loin du guide rouge.
Retour à Vidauban. Christian Boeuf et son chef Christophe Ciotta y fêtent les vingt ans de La Bastide des Magnans, beaucoup moins son exclusion du Michelin pour la cinquième année, qu’ils ressentent comme une injustice, peut être même comme une offense. Pourtant, aucun signe extérieur de détresse, un décor sobre et ce jour d’hiver par grand beau, une salle pleine. Les plats ne concourent pas dans la catégorie extra-terrestre et le premier menu, épatant de bonhomie gourmande, régale d’une joue de bœuf et bouillon de légumes truffé jusqu’à une tarte au citron meringuée, sorbet citron-anis.
La suite appartient à un classicisme éclairé vers lequel on revient aujourd’hui dare-dare. La truffe étant à son meilleur en janvier-février, j’ai puisé dans le menu terroir et dans le «spécial truffe» des noix de saint-jacques snackées dans un fin millefeuille truffé, une raviole de foie gras aux épinards et bouillon de volaille crémé à la truffe, de craquants ris de veau confits, réduction au porto et, pourquoi se compliquer la vie, un soufflé à la noisette dont la légèreté obligeait à ne pas lui laisser la vie sauve. Du beau travail.
Alors on cherche la faute originelle : le «jour du Michelin» y eut-il une panne d’inspiration, un service amnésique, un inspecteur menotté ou frappé par quelque virus lointain ? Le rapport prix-plaisir ne fait pourtant guère de doute, l’accueil est simple et sincère, vingt ans de maison n’ont pas éteint le talent et l’envie du chef et la clientèle est autant pourvue en «locaux» qu’en habitués de tous horizons, heureux à cette table. Et qu’importe l’absence de Michelin !
Inutile de lancer un SOS table battue mais on comprend que Christian Boeuf et Christophe Ciotta en aient gros sur le cœur. Leur éviction me paraît aussi injuste que celle de Paul Bajade (Les Chênes Verts à Tourtour) ou d’Alain Kouros (Le Verger des Kouros à Cuers), écartés du guide depuis deux ans quand des néo-pizzerias y ont mention ouverte. Ici, on peut trouver un peu pingre le 12/20 de Gault&Millau mais au moins l’affaire est dans le guide. Alors que faire ? Oublier cette michelinade et réserver son couvert à la Bastide, intimiste en hiver, plus en verve aux beaux jours sur la terrasse aux platanes centenaires. Une adresse à la reconquête, vivante, savoureuse et certainement pas en perdition.
Infos pratiques
- Adresse : 32 avenue du Général Gallieni, 83550 Vidauban
- Tél : 04 94 99 43 91.
- Menu : Menus 39 et 49 €. Menu truffe noire, 6 services, 120 €. Traiteur.
- Chambre : Hôtel, 5 ch.
- Fermeture : Fermé dim. soir, mercr. soir et lundi
1 comment
Peut etre est venu le moment ou les restaurants peuvent chercher de vivre leur identite sans les guides qui disparaitront en quelques années dans ce royaume d’internet. Le restaurant des Magnans a une terasse, avec l’austere facade, et l’ombre des platanes.. Un beau moment de Provence.