Carcassonne. Franck Putelat, vingt ans d’émotion

Franck Putelat et Carcassonne, belle histoire ! Celle d’un jurassien de Mignovillard qui rencontra un jour la Cité et ses remparts, étoila l’hôtel du même nom puis s’en éloigna de quelques lieues pour créer Le Parc. Son entrée en scène dans ce haut-lieu touristique date d’il y a vingt ans. Exfiltré de Saint-Tropez, où il fut mal reconnu, il fait alors de La Barbacane une nouvelle place forte de la gastronomie entre Toulouse et le Languedoc avant de créer son restaurant hors des remparts, d’y apporter une deuxième d’étoile au Michelin et de passer le cap des dix ans.

1998-2018: deux époques plus tard il est resté le même, battant et perfectionniste, créativité intacte. Une énergie. A sa manière, un “cathare”. Une “gueule”, aussi, pour jouer les rôles de dur au cinéma mais en cuisine un perfectionniste de rigueur et d’émotion. Le Parc – hôtel et restaurant – affiche design et lumière quand la Cité est Histoire et grand spectacle. Le graphisme, la symbolique du cercle, du galet ou du tronc d’arbre (le Jura et ses racines), une modernité apaisée plutôt que les poncifs d’une gastronomie retranchée font la singularité de La Table.

On discutera tel détail – le menu-carte en forme d’assiette, peu facile à manier, les titres des menus à décrypter (“Classique-Fiction”, “Action-Réaction”…) qui content pourtant son histoire et sa recherche – beaucoup moins la sincérité du récit et le jeu des accords. L’huître Tarbouriech et filet de boeuf, pomme soufflée, entrée signature au terrien-iodé, pourrait résumer son talent pour détourner les classiques sans négliger les fondamentaux.

Les écrevisses pattes rouges, courge et lard de Colonnata, le foie gras de canard, coquillages et cranquettes (favouilles en provençal), ces petit crabes verts qui régalent, en soupe, aux Halles de Narbonne ou du côté de Gruissan, le rouget de Méditerranée, aubergine et figue, dans l’éclat et la douceur, et des desserts de même trame (noix de coco, citron vert et bergamote) sont dans cette ligne affirmée et joueuse qu’un service propose avec naturel.

L’erreur serait enfin de zapper le chariot de fromages, éloquent, chercheur, cultivé en spécialités audoises et qui vole alors la vedette au feu central dans sa cage de verre.

La liaison de Franck Putelat avec Carcassonne date donc de vingt ans. La question, à cet âge, est de savoir s’il y a encore du souffle et de l’envie en réserve. Au vu de cette cuisine en mouvement qui ne pousse pas au délire (48 € un menu déjeuner, 165 € celui en dix séquences) et d’une clientèle amadouée venue des quatre points cardinaux, on est rassuré pour la suite…

    … Elle se joue aussi au centre-ville où sa brasserie A 4 Temps ne désemplit pas, en lisière de la zone piétonne (2 Bd Barbès, 04 68 11 44 44. www.brasseriea4temps.fr). Atmosphère chaleureuse, accueil bon enfant, bons plats de saisonnalité, terrasse sous les platanes… le concept sera bientôt décliné à Nîmes au Musée de la Romanité ou encore à Tarbes. La Franck Connection !

Mais la nouveauté de l’hiver, c’est le chalet !… Carcassonne, Mignovillard, l’Aude, le Jura : pour Franck Putelat, il y a un lien fort entre son village natal et la ville qu’il a étoilée. Il l’illustre avec une convivialité inédite, non une énième table d’hôtes en cuisine mais un chalet de haute montagne installé sur la terrasse de son restaurant.

Du mardi au samedi, pour quatre à dix personnes, il propose un menu unique (65 € au déjeuner, 105 € au dîner) à la fibre jurassienne : soupe aux choux truffée, truite Fario bio, vin jaune et morilles, fondue, tarte aux myrtilles… on boit dans le même esprit des vins d’Aude, de Savoie et de Jura choisis par Cédric Vernice, son chef sommelier (rouge arbin du  Domaine Fabien Trosset, blanc du Domaine de la Tournelle (Jura), chenin vendange tardive du Domaine Gayda (Aude…). Que faire cet hiver? “Monter” à Carcassonne au chalet de Franck !

        … Le Parc, un lieu contemporain à deux pas de la Cité médiévale