L’Oasis est d’abord une grande table mais aussi une scène gastronomique comme on n’en fait plus. Platanes collector, fontaine et chants d’oiseaux, verdure façon jungle chic et patio aussi protecteur que le nid du Marsupilami. Au théâtre ce soir !…
Sans être un client hors d’âge, on peut se souvenir de Louis Outhier, le fondateur, en scène de 1964 à 1988, 2 étoiles du temps des tables-citadelles (époque Roger Vergé à Mougins et Jo Rostang à Antibes), conservées ensuite pendant vingt-huit ans par Stéphane Raimbault et ses frères Antoine et François.
J’y ai fait des repas de belle facture, classicisme à la française et signature Méditerranée-Japon. La Raimbault attitude, c’était çà, droiture et ouverture. Cette année, il y a du changement sous les frondaisons : Iskandar Safa, magnat franco-libanais dont le Domaine de Barbossi est la plus proche propriété (1), a racheté l’Oasis et Stéphane Raimbault, pour l’instant président des activités Hôtellerie et Restauration, a installé un duo d’expérience pour lui succéder en cuisine. Alain Montigny, MOF, étoilé au Dolce Chantilly puis au Chalet Royalp dans les Alpes vaudoises, est le chef exécutif (2), secondé par Nicolas Davouze, au parcours bétonné (ex Bocuse, Ducasse, Le Bristol, Château Saint-Martin à Vence, Terre Blanche à Tourrettes, Gilles Goujon à Fontjoncouse, Gagnaire à Courchevel…).
C’est le moment délicat du passage du gué. La table change de rive et doit avancer avec tout le respect dû au prédécesseur, surtout quand il a compté dans l’histoire de la gastronomie. Alors, çà secoue un peu dans les branches, mais sans révolution déclarée.
La courgette en vichyssoise à l’huile de basilic et mini ratatouille, la printanière de légumes, morilles et émulsion au château-chalon, le millefeuille de foie gras de canard et artichauts, gelée au sauternes, le turbot rôti à la braise, pommes fondantes et royale de petits pois au haddock, ou la sole des sables, filets farcis d’épinards, coquillages et courgettes, langoustines et sauce champagne… tout est policé, sur le détail, vertueux du produit à l’exécution, même si on attend parfois plus d’émotion et de percutant de cette « cuisine française », aussi soignée qu’une limousine roulant sur la Croisette. Epaulé par Nicolas Davouze, qui frôla le Bocuse d’Or en 2015, Alain Montigny promet plus de changement et une ligne claire, il a raison puisque c’est lui le patron, désormais.
L’ère Raimbault n’est pas reniée mais l’empreinte japonisante s’efface, Pascal Paulze, chef-sommelier MOF, conserve la main sur une cave d’exception et la caravane des desserts, portée par les serveurs comme l’autel de la Vierge à la Semaine sainte de Séville, vit sans doute sa dernière saison.
Que se passera-t-il quand auront disparu le pavé de loup Chao Mian, le boeuf Wagyu en teppan yaki, le poisson cru et salade d’orge perlé « Souvenir d’Osaka » ? On se souviendra de l’engagement d’une maison qui a défié le temps, on lui souhaitera d’atteindre le meilleur – elle en a les moyens – et on continuera d’aimer cette table.
(1) 1300 ha, golf 18 trous, haras, vignoble, oliveraie… et l’hôtel L’Ermitage du Riou.
(2) Pour les trois tables du Domaine : Oasis, Bistrot de l’Oasis et Riviera Golf Restaurant.
Infos pratiques
- Adresse : 6 Rue Jean-Honoré Carle, 06210 Mandelieu-la-Napoule
- Tél : 04 93 49 95 52
- Site : www.oasis-raimbault.com
- Menu : Menus déjeuner, 69 et 89 €. Menus 152 et 282 €
- Carte : Env. 120/200€
- Fermeture : Fermé dimanche et lundi