Le 12 septembre 2007, Nice découvrait celui qui allait succéder à Maximin, Le Stanc, Llorca, Del Burgo, Turbot… à la tête des cuisines du Negresco. Le palace de Mme Jeanne Augier avait vu passer ces pointures avec des succès divers et de grands moments mais qui connaissait Jean-Denis Rieubland, agenais de 32 ans – donc rugbyman – et Meilleur Ouvrier de France 2007 ? Un MOF inspire la confiance, il est dans l’ordre d’une notoriété dorée, promet des plats de belle ouvrage, seulement il faut savoir durer sous ces coupoles.
Dix ans plus tard, le 12 septembre 2017, je retrouve les boiseries du Chantecler, les portraits de Louis XIV et les coqs de céramique, la moquette-nostalgie, les nappes vieux rose. Le personnel fait dans le feutré-attentionné, avec légère courbure dorsale, pas chassé et mots choisis. Ailleurs, on trouverait cela too much, ici cette onction est acceptée, dans l’ordre d’un palace émouvant et singulier. En ce jour d’anniversaire, on craint le rituel des plats-signatures. Il y a plus osé : cette idée de proposer deux menus, l’un de la main du chef, le second interprété avec son équipe sur la base d’un même produit. On redoutait l’exercice et il est plutôt réussi. Une même ligne, un jeu de retouches et d’esquisses, des jus courts, ici un beurre d’algues et non de fenouil (le turbot), là le ris de veau clouté au chorizo, oignons, macaronis dorés ou bien revu parfumé à la réglisse. Si on note quelques longueurs et des desserts moins dans le jeu comme la figue de Solliès-Pont rôtie au thé et crémeux de chocolat noir, ce “10 ans” a belle allure.
Le cannelloni de tourteau à la mangue, marmelade d’agrumes caviar et crème parfumée de combawa, est indiscutable en forme et délicatesse. La langoustine juste saisie au lard di Colonnata, viennoise de tarama et patisson et le turbot vapeur, artichauts, carottes fanes et solférino de légumes au cerfeuil ménagent vérité du produit et exercice de style. Celui de Jean-Denis Rieubland garde ses distances avec l’épure actuelle, toutes recettes impeccables. On s’ennuierait s’il n’apportait pas ce qui est décisif aujourd’hui : maîtrise, légèreté, naturel mais sans surjouer et sans affichage bio ou vegan. Florian Guilloteau, chef sommelier, ex de L’Auberge du Vieux Puits à Fontjoncouse, remet un peu d’ordre dans les vignes. Un blanc du Domaine de Terrebrune (Bandol), un Mâcon malicieux sur le ris de veau, le liquoreux sans violence d’une cuvée d’Antoine Arena (Patrimonio) et on quitte ce dîner “signature” avec la satisfaction de la décennie accomplie. Que demande le peuple (enfin autour de 200 €) ? C’est dit, le Chantecler ne sera jamais un foyer d’insurrection mais la gastronomie de Jean-Denis Rieubland a su durer dans ce palace mémorable et fait honneur à Nice… qui parfois l’oublie.
Infos pratiques
- Adresse : Hôtel Negresco, 37 Promenade des Anglais, 06000 Nice
- Tél : 04 93 16 64 10
- Site : www.lenegresco.com
- Menu : Menus 130, 180 et 230 €