Lorgues. “L’Estellan” : la petite maison dans les vignes

Volets bleus, terrasse-tonnelle, salle-véranda… belle image. C’est la petite maison dans les vignes, hors les murs de Lorgues. Un modèle de table sincère.

Dire qu’une table est modeste ce n’est pas lui faciliter la vie. Trop de restaurants parlent haut et fort de leur propre renommée et la modestie fleure aujourd’hui le handicap. Mais l’être comme L’Estellan est une tout autre histoire.

Sur la route de Lorgues à Saint-Antonin du Var on manquerait presque la petite maison de pierres aux volets bleus avec terrasse-tonnelle et salle en véranda, oliviers, cyprès et lauriers roses et quelques rangs de vigne en avant-garde. Si ce n’était pas antédiluvien, on chanterait du Trénet sur ce sinueux bitume du haut-Var.

L’Estellan (l’étoile en provençal) dément tout abus de terroir, baies ouvertes sur ces arpents vert tendre et deux ou trois villas à flanc de colline. Caroline, de Normandie, et Eric Rogier le parisien ont repris cette aquarelle il y a cinq ans. Ils venaient de belles maisons, lui, notamment, formation Pierre Hermé, ancien de Taillevent à Paris, du Chabichou à Courchevel, sept ans chef pâtissier de l’Albert Ier à Chamonix avant un passage à La Villa Mauresque à Saint-Raphaël puis la sortie du circuit aux toques et aux étoiles. 

On connait le risque de ce genre de conversion. Infliger son savoir et son ego à des clients qui n’ont rien demandé. La France est peuplée de ces demi-gastronomies qui vous gâchent le plaisir. Caroline et Eric démontrent à l’inverse qu’une bonne table commence par le sérieux, non par le nombril. A l’unique menu (30 € à l’ardoise), l’amuse-bouche, concombre, radis rose et sésame, était, mi-juin, un déclic de fraîcheur, les courgettes de Lorgues et ceviche de thon comme un petit farci jouaient fin et stylé et la ballotine de volaille label rouge, citron confit, épinard et pommes de terre gourmandait sans arrogance avant le fromage «pays», un délicieux chèvre-fleur de la Ferme de la Pastourelle (Châteaudouble) et un dessert chocolat-caramel préparé par Baptiste, digne du concours de Philippe Etchebest.

A la carte (l’autre ardoise) on dépasse à peine le seuil des 50 €, ainsi avec magret périgourdin rôti entier et une tarte chaude au chocolat guanaja, sorbet pamplemousse. Le menu change chaque jour, alors «on revient», les vins sont des amis proches (Domaine Origami à Taradeau, Domaine des Sarrins et Clos d’Alari à Saint-Antonin, L’Estello à Lorgues…) et cette cuisine sensible et sans caprices est un pur réconfort.