Quand on est No 1 au World’s 50 Best Restaurants et 3 étoiles au Michelin, on est sur le toit du monde. Les médias décuplent la nouvelle, le cahier de réservations devient planétaire, c’est la proximité du paradis. Mauro Colagreco n’en est pas loin.
En 2006, j’ai connu l’enfance d’un Mirazur pas plus haut qu’un panier de courgettes. Mauro, chef italo-argentin formé chez Loiseau, Martin, Passard et Ducasse dégainait des plats fulgurants dans cette ville des confins (Menton est à la Riviera ce qu’Ushuaïa est à la Patagonie) et paniquait l’amateur de barbajuans. Aujourd’hui reconnu, il ne renie rien mais ouvre une page nouvelle, la CosmoCuisine. L’appellation intrigue, la réalité rassure. Menton, orfèvre en micro-climat, lui offre cinq jardins secrets devenus ses restanques-laboratoires et Mauro ajuste le message : proximité de la nature, valorisation du produit local, biodynamie et calendrier lunaire.
Tout commence au jardin du Mirazur avec un panier pique-nique et l’apéritif façon déjeuner sur l’herbe. Accueil aux petits soins sous l’oeil de Laurent Bouveyron, directeur du restaurant, mise en condition champêtre puis montée dans la maison de verre où le restaurant, épuré, bois et lumière, offre une vue de collection sur le Vieux Menton et la baie de Garavan.
A table, je n’ai pas tout saisi de l’influence du Cosmos sur mon coup de fourchette et mon reste d’énergie et je me suis un peu embrouillé dans les «jours Feuilles, Racines, Fleurs ou Fruits des quatre Univers Mirazur et leurs menus dédiés. Mais je me souviens avec émotion du bouillon marin, textures de melon, pastèque et concombre, escorté d’un Dassai 23, saké minéral et délicat, lui aussi un peu amandé, de la tarte aux oronges, comme un origami, pure dentelle aimée par la cuvée Mademoiselle M, Pouilly-Fumé d’Alexandre Bain, des haricots du jardin et crème de caviar osciètre, déjà «signature», du thon cuit au feu de bois, sauce aux deux tomates et du pigeon périgourdin de Mme Leguen, d’exacte cuisson, aubergine et risotto de petit épeautre.
Le soleil, la lune et les étoiles guidaient ce menu en neuf services et de l’émietté de tourteau, carpaccio de pêche blanche et amande fraîche, accompagné d’un Clos de l’Ours blanc au fin provençal, jusqu’au dessert alliant concombre et fraises de Carros au mascarpone, il y avait toute la fraîcheur et l’instantané dans lesquels Mauro Colagreco est passé maître. Moins, peut-être, dans le final à la note terrienne, un crémeux chocolat, crème et glace aux cèpes, noisettes du Piémont, mais en accord avec un Apis Terrae, hydromel du Cantal au parfum d’aubépine.
Alors qu’on enterre un peu vite la gastronomie, ses recherches et ses extravagances, le Mirazur affirme sa libre création, l’ultra sensibilité de ses plats, son alliance avec la nature et son interprétation du terroir mentonnais. Et même si l’addition a changé de galaxie, il reste fondamentalement le même, une table d’art et d’essai, apaisée mais effervescente, qui s’enracine (1) et colle à son époque.
(1) Ainsi à Mitron Bakery, sa boulangerie mentonnaise, où il travaille blés anciens et farines bio (8 rue Piétà, tel. 04 93 57 67 82).
Infos pratiques
- Adresse : 30 av. Aristide Briand, Menton
- Tél : 04 92 41 86 86
- Menu : Menus Mirazur Univers 320 € (9 plats).
- Fermeture : Ferm. lundi, mardi.