Ils résistent et cuisinent dans ce qu’on appelle encore des restaurants et comptent les jours comme des prisonniers attendant une libération. Ils seront les derniers sur la liste des reprises, toujours fortement aidés mais avec l’impression d’être parfois oubliés, comme effacés, voire quasi clandestins. Le seul mot à ne pas emporter ! Aujourd’hui sur la Côte d’Azur, Le Restaurant de l’Autobus (Nice), L’Estellan (Lorgues), Le Mazet-Atelier de la truffe (Le Lavandou).
Nice Restaurant de l’Autobus
Parlait-on de «vente à emporter» en 1928 sur la colline de Gairaut ? Sans doute pas, sinon pour acheter le pain du restaurant-boulangerie ouvert cette année-là dans cet environnement bucolique, mi Provence mi Toscane. C’était le temps des déjeuners populaires servis par Alice Bessi et des michettes à l’huile d’olive sorties du fournil voisin.
Ce havre du terroir nissart, repris il y a vingt ans avec la même ferveur par la famille Traverso, poursuit sa route avec moins d’insouciance par temps de confinement mais la flamme est intacte. Chaque fin de semaine, en cuisine et au comptoir, Olivier Traverso prépare les bons plats qui ont fait la renommée de L’Autobus et assure le lien avec ses clients.
Le restaurant est labellisé Cuisine Nissarde, les recettes sont «maison» et de plus large répertoire : pissaladière, gnocchis sauce aux cèpes, daube-polenta, blanquette de veau, capoun, salade de petits violets et feuilleté aux poireaux, lentilles au lard et saucisses perugines, souris d’agneau confite-pommes sautées, stockfish sur commande… Une adresse touchante de simplicité, précieuse pour sa cuisine du patrimoine et sa terrasse sous les muriers-platanes et qui a préparé des repas «anti Covid» avec d’autres restaurants pour soutenir les étudiants de Nice, fragilisés par la pandémie. Généreux et solidaire Autobus !
142 avenue de Gairaut. Tel. 04 93 84 49 88. Retraits vendredi, samedi et dimanche (menu 18 €). Carte env. 23/28 €.
Lorgues L’Estellan
La formule est plutôt urbaine mais la vente à emporter a aussi ses repères en rase campagne. Sur la route qui relie Lorgues à Saint-Antonin du Var, il suffit de suivre cette bonne étoile. La petite maison de pierres aux volets bleus, terrasse-tonnelle, salle-véranda et vue sur les rangs de vigne est bien connue des amateurs.
Dans cet environnement vert tendre, on trouve terroir, talent et expérience. Caroline et Eric Rogier ont connu de belles maisons, le second formé notamment auprès de Pierre Hermé, ancien de Taillevent à Paris, du Chabichou à Courchevel et sept ans chef pâtissierde l’Albert Ier à Chamonix. Ces étapes ont porté leurs fruits, loin d’une gastronomie huppée mais proche d’un haut Var en demande de tables de bonne tenue. L’Estellan est assurément de cette famille. Je garde le souvenir d’un menu fin et gourmand avec courgettes de Lorgues et ceviche de thon comme un petit farci, magret périgourdin rôti entier, délicieux chèvre-fleur de la Ferme de la Pastourelle à Châteaudouble et tarte chaude au chocolat guanaja, sorbet pamplemousse.
Même si la parenthèse ne vaut pas l’original, on peut se fier aux plats à emporter (sous vide et prêts à cuire). Ainsi, la semaine prochaine, un velouté de persil-pommes de terre; barigoule d’artichauts, jambon serrano et parmesan; blanquette de la mer et petits légumes; gardianne aux épices, pommes de terre écrasées; crémeux chocolat, espuma Dulcey ou financier aux fruits rouges. Un sérieux incontestable qui annonce un bel été sous la véranda.
1000 route de Saint-Antonin, Lorgues. Tel. 06 38 10 04 09. Commandes jusqu’à mardi soir, retraits vendredi 10h/16h, livraison possible sam. matin. Entrée-plat-dessert 50/60 € pour 2 pers.
Le Lavandou Le Mazet-Atelier de la truffe
En retrait de la route qui relie Le Lavandou à Cavalière, Le Mazet a remplacé l’an dernier le Bistrot des Sables. C’était plus qu’un changement d’enseigne et avec L’Atelier de la truffe en complément on comprenait mieux le discours nouveau. Aujourd’hui, sale temps pour les restaurateurs, qu’ils aient choisi ou non la vente à emporter, mais ligne claire à cette adresse où parle le métier. Avant le grand confinement, Corinne et Patrick Hardy ont eu tout loisir pour faire provision de clients et rappeler aux plus fidèles les riches heures de La Truffe Noire, leur fief étoilé de Neuilly. Patrick Hardy, cuisinier au long cours, du Rendez-vous des Camionneurs (Le Pont-Neuf), à La Rotonde (Aix-en-Provence), chef au Korova de Jean-Luc Delarue, de Ladurée Champs Elysées avec Pierre Hermé ou consultant pour Potel&Chabot, apporte une maîtrise que j’ai pu juger l’été dernier avec l’œuf bio, purée de châtaigne crémeuse, râpée de truffe fraîche et jus de daube, un risotto aux girolles et truffe de Bourgogne, ou l’agneau confit 36 h, tomate miellée, polenta au parmesan. La période confinée a abrégé la forme, pas le fond et la qualité maison. Un «marché du moment» en version drive (il change régulièrement) propose ainsi une soupe de potiron muscade, langoustines et chantilly cococurry, le gâteau de tourteau lissé de patate douce, un capoun de joue de bœuf et blettes braisées, un filet de barbue et compotée de poireaux, le baba aux agrumes et limoncello… Et bientôt une terrasse nouvelle à l’ombre du platane géant.
1 chemin de la Cascade, Saint Clair, Le Lavandou. Tel. 06 81 39. 31 66. et patchef.hardy@gmail.com Env. 40/50 €. Retraits vendredi et samedi 11h/17h et dimanche 11h/13h.